Les séminaires ont été institués par la réforme du Concile de Trente qui se déroula de 1545 à 1563. Cette réforme vise une amélioration de la formation du clergé. Bien sûr, la création de séminaires demanda du temps malgré quelques tourments comme en témoigne l’étonnante histoire de notre séminaire diocésain qui commença à Molsheim et non à Strasbourg …
Le 25 mars 1580, le collège des Jésuites ouvre à Molsheim, car Strasbourg était protestante. Douze ans plus tard, un enseignement théologique est dispensé régulièrement. Notons qu’à l’époque ce n’est pas un séminaire, mais un collège. Il a fallu attendre le 30 mai 1607 pour que le cardinal de Lorraine signe l’acte de fondation du séminaire. Dix ans après, le collège est converti en université. Son inauguration a lieu en août 1618, en même temps que la dédicace de l’église de la Très-Sainte Trinité, maintenant église paroissiale d’une beauté architecturale unique.
En 1683 soit deux ans après que Strasbourg est redevenue catholique, Guillaume Egon de Furstenberg fonde un séminaire derrière la cathédrale, au Bruderhof. L’année 1702 est importante dans l’histoire du séminaire puisque l’académie est transférée à Strasbourg et n’est donc plus à Molsheim. Le collège Louis le Grand, actuellement lycée Fustel de Coulanges est édifié à partir de 1757 et le nouveau séminaire épiscopal de 1769 à 1774. Cette construction nécessita la démolition du Bruderhof. Les architectes sont ceux du Grand Chapitre et de l’Evêché, Massol et Paulinier (Das Alte Strassburg, Adolph Seyboth, p 245). L’inauguration du nouveau bâtiment à lieu en 1774. Mais, très vite vient la tourmente révolutionnaire, qui conduit en 1791 à la création d’un séminaire constitutionnel. Les séminaristes s’exilent et le bâtiment sert de prison pour les prêtres réfractaires. Ces événement terminés, le séminaire devient successivement une école de santé, de médecine et de droit, puis bureaux de facultés, un musée d’histoire naturelle, une école normale en 1810 et enfin une académie Royale en 1816.
Les aléas de l’Histoire
illustration réalisée par A. HUBER en 1882 |
Malgré ces tristes événements la Providence institue à nouveau le séminaire dans l’actuel bâtiment en 1823 contre l’échange par la ville de l’Hôtel de la prévôté, actuellement au 25 rue de la Nuée Bleue. En 1902 la faculté de Théologie de Strasbourg est fondée. Suivent très vite les événements de la Grande Guerre où le séminaire devient un hôpital militaire, les infirmiers et infirmières étant les séminaristes et les sœurs. La seconde guerre mondiale lui réserve aussi un triste sort, puisqu’y prennent place l’administration civile du régime. L’inauguration du nouveau bâtiment à lieu en nazi et les bureaux de l’instruction publique et des cultes de Karlsruhe. En octobre 1945 le séminaire ouvre à nouveau et reçoit depuis les jeunes gens appelés pour servir le Seigneur dans notre diocèse et être de simples ouvriers à sa vigne. Désormais, la communauté du séminaire peut réciter son chapelet à l’ombre du chevet de la cathédrale et du puits historique de 1464, en face de la galerie du cloître abritant d’anciens vitraux de l’église des dominicains. Découvrons donc les principales composantes du bâtiment …
La bibliothèque.
Elle occupe le premier et deuxième étage d’un bâtiment qui a quatre étages. Elle est reconnue pour son architecture typique du XVIIIe siècle et les ouvrages qui la composent. Pendant la révolution, la bibliothèque des jésuites avait été transférée dans l’ancienne église des Dominicains. En 1827 environ 30 000 livres sur les 50 000 sont restitués au séminaire. Le reste a brûlé dans l’incendie de l’église des Dominicains le 24 août 1870. Cette bibliothèque historique possède environ 120 000 volumes dont 3000 manuscrits, 237 incunables et 525 post-incunables en 2013 (Chiffres CORDIAL, Association de coopération régionale pour la documentation et l’information en Alsace). Les incunables les plus rares sont : une bible grecque du XIe siècle offerte au cardinal Charles de Lorraine par l’abbesse d’Andlau : le Novum Testamentum Graecae, le Codex Guta-Sintram de 1154, deux bibles imprimées à Strasbourg en 1485 dont une avec des décors plus riches et la Chronique de Nuremberg d’Hartmann Schedel imprimé en 1493, nous voyons dans cet incunable la plus ancienne vue d’Argentoratum (Strasbourg). Le bibliothécaire est Louis Schlaeffli, né à Neuf-brisach en 1938. Il est depuis 1964 le gardien de ce « temple de la culture » unique en Alsace.
La chapelle
Elle est dédiée à Sainte-Marie-Majeure. Son architecture est de style Louis XVI, tout comme la Salle Saint Léon IX qui est une salle de conférence. La chapelle possède un ensemble de six vitraux, peints par Ott Frères en 1928 représentant les étapes liturgiques parcourues alors par un séminariste : la tonsure, le lectorat, l’acolytat, le sous-diaconat, le diaconat et le presbytérat. Huit tableaux peints entre 1775 et 1779 par Johannes Peter Ehrler ont été restaurés récemment par Victor Karpenko. Ils représentent les saints: Louis de Gonzague, Vincent de Paul, Jean Népomucène, Charles Borromée, François de Sales, Norbert de Xanten et le bienheureux Pierre de Luxembourg. Le sujet d’une toile de cette série remarquable du 18e siècle n’a pas encore pu être identifié. Au-dessus de la porte d’entrée sur une rue se trouve une autre grande toile représentant la Sainte Cène peinte par Monique Tanisch. D’autres tableaux dont celui du remarquable maître-autel ont été peints par Michel Oster au XIXe siècle. La chapelle compte un orgue Yves Koenig construit en 1985. C’est en ce lieu que la communauté du séminaire se réunit pour prier la liturgie des heures et célébrer l’eucharistie quotidienne. Le séminaire compte également une chapelle d’étage dédiée à saint Modeste Andlauer qui permet une prière plus intime avec le Seigneur.
Le Grand Séminaire de Strasbourg a eu une histoire tourmentée depuis ses débuts à Molsheim, mais grâce à la grandeur divine, les vocations existent encore malgré les tentatives révolutionnaires et nazies. Nous pouvons donc décrire notre séminaire diocésain par le numéro 4 du décret sur la formation des prêtres Optatam Totius promulgué par Paul VI : « Les grands séminaires sont nécessaires pour la formation sacerdotale. L’éducation complète des élèves des grands séminaires doit tendre à faire d’eux de véritables pasteurs d’âmes, à l’exemple de Notre Seigneur Jésus Christ, Maître, Prêtre et Pasteur ».
Adrien Schneider, Séminariste de 2e année
Septembre 2014
Almanach Ste-Odile 2015 p 56-57